Image à la une : Église Saint-François d’Assise, angle rue du commandant Fellert et rue Jeanne d’Arc. Cliché à partir d’une plaque de verre. 1934

J’ai récemment trouvé un article de « Maroc-Monde » daté du samedi 20 octobre 1951 consacré au « Doyenné de Fès », article rédigé collectivement par des militants et militantes catholiques de Fès, sous la direction d’Henri Bressolette, membre du comité directeur de « Maroc-Monde ».

Cet article m’a incité à reprendre mes notes sur les églises de Fès pendant le Protectorat français et à rédiger un article pour le blog.

Je n’ai aucune information sur « Maroc-Monde ».

Le doyenné de Fès

Un doyenné dans le christianisme est une circonscription administrative qui regroupe plusieurs paroisses.

Du point de vue territorial, le Doyenné de Fès s’étend à toute la région de Fès : outre les paroisses de Fès, il comprend celles de Sefrou (desservie par le R.P. Henry Koehler) et de Taza ( R.P. Michel Boulhau et les lieux de culte suivants : Aïn-Taoujdat, Immouzer du Kandar, Matmata, Ghomra, Missour, Guercif, Ourtzagh.

La paroisse Saint-François d’Assise, siège du Doyenné, est dirigée depuis quatre ans par le curé doyen le R.P. Étienne Saliot, assisté de quatre vicaires : le R.P. Emmanuel Ruiz, détaché comme desservant à la cité Saint-Régis ; le R.P. Gérard Pin, chargé plus spécialement des Enfants de chœur et des Cœurs Vaillants ; le R.P. Ferdinand Meigné, aumônier des mouvements de jeunesse ; enfin un quatrième vicaire, le R.P. Vincent Perrin vient d’être adjoint à la paroisse avec la direction de la J.E.C. dans ses attributions particulières. (J.E.C. : Jeunesse Étudiante Chrétienne)

À l’intérieur de la paroisse, au sud de la ville, a été créée en 1950 la cité Saint-Jean-François-Régis ; elle est desservie par le R.P. Emmanuel Ruiz qui dirige en outre la J.O.C, le patronage de l’Atlas et le Sporting-Club Fassi. (J.O.C. : Jeunesse Ouvrière Chrétienne)

La paroisse Saint-Michel de la médina a pour curé le R.P. Colpin qui dessert en outre les bleds situés sur l’axe Nord-Sud, depuis Karia et Tissa au nord jusqu’à Immouzer du Kandar au sud.

Le R.P. Christophe André, aumônier de l’hôpital Cocard, dessert aussi les bleds sur la route Est-Ouest, de Matmata à Aïn-Taoujdat.

De son côté, l’aumônerie militaire a la charge de tous les postes militaires : depuis de nombreuses années le R.P. Valérien Parent de Curzon circule dans toute la région, de Boulemane et Immouzer des Marmoucha au sud à Ghafsaï, l’Ourtzagh et Taounate au nord. Tout récemment, M. l’abbé Drouet vient d’être nommé aumônier de la place et de la garnison, avec la haute direction du Foyer du Soldat au quartier de Bournazel (ouvert tous les jours de 8 h. à 21 h.)

Église Saint-François d’Assise vers 1950. Façade sur l’avenue Maurial (Slaoui)

Les bleds de la région de Fès

Dépendances de la paroisse Saint-Michel : trois bleds, Karia, Tissa et Immouzer du Kandar sont commis à la charge du Père curé de la Médina (R.P. Colpin).

Distants respectivement de 70, 50 et 35 kilomètres, ils sont desservis suivant leur importance. Karia et Tissa voient le Père alternativement toutes les deux semaines, le jour du souk. La messe et les visites permettent de rencontrer facilement les 6 ou 7 dizaines d’Européens qui constituent la population de ces centres. Il n’y a pas de lieu spécial de culte

Immouzer du Kandar est le plus important : 500 habitants à demeure et une douzaine d’enfants au catéchisme lui valent une messe dominicale. Devenue centre d’estivage, elle passe à près de 5 000 habitants pendant les mois de vacances, recevant huit colonies de vacances qui exigent la présence du Père durant la majeure partie de la semaine, et pour les trois messes dominicales. En ce dernier centre, le lieu de culte est particulièrement réussi : c’est une église en pierre du pays, bâtie sur le roc, à flanc de montagne, couvrant une superficie de 452 mètres carrés, pouvant abriter 600 fidèles disposés en amphithéâtre devant l’autel tourné vers eux. Cette église se pare et … se paie petit à petit grâce à la générosité des estivants.

Église NotreDame de Toutes-Joies. Immouzer du Kandar

Dépendances de l’aumônier de l’Hôpital Cocard : Aïn-Taoujdat, à 30 kilomètres à l’ouest de Fès, avec les 150 familles qui vivent sur le territoire rattaché administrativement à El-Hajeb et son internat primaire de 100 enfants (dont 85 au catéchisme) a la messe tous les dimanches à 10 heures ; le catéchisme se fait le jeudi matin grâce à deux catéchistes en plus du R.P. desservant. L’église est presque achevée, mais ne peut déjà contenir tous les fidèles, même à Noël. (Le R.P. Colpin a fait construire l’église N-D du Rosaire d’Aïn-Taoudjat grâce aux dons des fidèles)

À l’est de Fès, la vallée de l’Innaouen comprend les lieux de culte suivants : Bir-Tam-Tam, chez les Beni-Sadden, messe tous les 15 jours, chez M. de Montgolfier (Ghomra), une cinquantaine de familles.

Matmata est dotée d’une église (Notre-Dame de la Vallée), au centre d’une région qui comprend une soixantaine de familles échelonnées le long de la route Fès-Taza et sur les bords de l’Innaouen. L’école a environ 40 enfants dont 15 viennent au catéchisme. La messe est célébrée le dimanche après-midi à 17h30 (car le même jour le R.P. desservant doit aller à Aïn-Taoujdat, à 30 kilomètres à l’ouest et à Matmata à 60 kilomètres à l’est). Le R.P. Christophe vient d’acquérir un cinéma et projette de constituer une société pour organiser les loisirs.

Oued-Amlil : environ 20 familles, colons et fonctionnaires C.F.M. (Chemins de fer du Maroc). Il n’y a pas de chapelle et la messe est célébrée une fois par mois.

Malgré les distances et les difficultés, grâce au dévouement des Pères et des Aumôniers, les bleds et postes, même les plus lointains ne sont pas abandonnés ; au moment des fêtes un effort supplémentaire est fourni : ainsi à Noël, 16 messes furent célébrées dans les bleds des environs par les deux Pères desservants et l’aumônier militaire.

Les patrons des lieux de culte

Notre-Dame du Rosaire : Aïn-Taoujdat

Notre-Dame de Toutes-Joies : Immouzer du Kandar

Notre-Dame de Toutes-Grâces : Sefrou

Notre-Dame de l’Immaculée Conception : Ourtzagh

Notre-Dame de la Vallée : Matmata

Saint-Michel : Fès Médina

Saint-Michel : Fès Hôpital Auvert

Seigneur Jésus : Fès Orphelinat

Saint-François d’Assise : Fès Ville nouvelle

Saint Jean-François-Régis : Fès Atlas

Sainte Thérèse : Institution de Fès

Sainte-Anne : Fès Hôpital Cocard

Saint-Joseph : Guercif

Sainte-Famille : Taza

Saint-Régis : Ghomra

Notre-Dame de Toutes-Grâces. Sefrou. Cliché de 1937

Cet article du Maroc-Monde permet d’avoir une vision globale du Doyenné de Fès avant d’aborder l’histoire des trois paroisses de la ville de Fès : Saint-Michel, Saint-François d’Assise et Saint-Jean-François-Régis.

Paroisse Saint-Michel

C’est en bordure de la médina, dans le quartier du Douh, premier quartier où s’installèrent les Français en 1912, que se trouvait la chapelle Saint-Michel. Son nom rappelle l’histoire tragique des premiers temps du Protectorat.

Cette maison arabe du 12 de la rue du Douh, était le bureau de poste qu’occupaient quatre télégraphistes français de la T.S.F. :  Decanis, Miagat, Ricard et Rebout. Ils furent assiégés par les askris révoltés lors des journées sanglantes des 17, 18 et 19 avril 1912. Seul Rebout a survécu à l’attaque.

Le Révérend Père Michel Fabre, en essayant de calmer les émeutiers, sera tué le 17 avril.

Le Père Dominique Bouchery qui succède au Père Michel Fabre et à la demande du maréchal Lyautey, loue « La maison des Postiers » du 12 de la rue du Douh et en fait une chapelle-souvenir : le 10 septembre 1912, la Chapelle Saint-Michel est ainsi la première église de Fès et demeurera la seule jusqu’à la création de la paroisse Saint-François en ville nouvelle, en 1921.

Photo d’une des premières messes célébrées dans la chapelle St Michel. Je n’ai pas la date exacte, mais au verso il est inscrit 22 septembre, sans mention de l’année mais le 22 septembre 1912 était un dimanche

L’activité de la Chapelle Saint-Michel, très importante lorsqu’elle était la seule église de Fès, décroit sensiblement avec l’apparition de la paroisse Saint-François et l’extension de la ville nouvelle.

« Au début des années 1950, c’est un petit groupe de 150 chrétiens, représentant une soixantaine de foyers, qui relève de Saint-Michel sous la direction du R. P. Colpin.  Mais elle reste un noyau très vivant : 30 enfants y fréquentent les cours de catéchisme et un cercle d’A.C.I. de Dames y fonctionne » Maroc-Monde ( A.C.I. : Action Catholique des milieux Indépendants. Les hommes et les femmes de l’A.C.I. veulent être acteurs d’un monde plus fraternel et plus juste. Ils sont appelés, en équipes, à reconnaître différentes façons d’être et à transformer le regard qu’ils portent sur la société. Ils favorisent la transformation progressive des mentalités et des comportements pour mieux les ajuster au message de l’Évangile).

Située dans le quartier où sont installés la Résidence, où descend le Résident général lorsqu’il est de passage à Fès, la Maison de France (Dar Tazi), où réside le général chef de région, le Secrétariat général ainsi que différents services, l’église Saint-Michel est fréquentée par les hautes autorités et leurs collaborateurs dont certains ont leur habitation sur place. C’est à partir de ce quartier également que se développent les activités de nombreux professeurs et instituteurs français de l’enseignement musulman (dont quelques-uns logent sur place), ainsi que les nombreuses activités des assistantes sociales et infirmières, dont le logement et la permanence sont dans le quartier.

Une mention particulière revient au Père Ange Koller, venu de Suisse et curé de la paroisse Saint-Michel de 1929 à 1933. Il avait appris l’arabe et le berbère et est l’auteur d’un livre « L’esprit du berbère marocain ». Il installe son « Foyer » dans la maison-chapelle. Le Père Ange est un précurseur dans ce domaine. Il ne s’agit pas d’apostolat, impossible en milieu marocain, mais d’une œuvre culturelle, où de jeunes Fassis viennent en toute liberté parler et lire, une sorte d’école du soir. Une centaine d’étudiants ont  fréquenté ce « Foyer » durant chaque année de sa durée qui fut fort courte, puisqu’en 1933, le Père Ange est muté à Marrakech. Avec lui se termina cet essai.

Le « Foyer » du Père Ange Koller

Mais en 1957, un autre franciscain, le Père Paulin Caspar, bien préparé à sa mission (il avait passé un an à étudier l’arabe en Égypte) reprend une œuvre similaire toujours dans son logement à Saint-Michel ; il la développe six ans plus tard, en s’installant sur un terrain situé de l’autre côté de la place du Batha où l’espace ne lui manque plus ; il construit les bâtiments nécessaires, aidé par des jeunes venus de France, cela comporte progressivement bibliothèque, menuiserie, cercle de jeunes , etc.  Le Père lui-même travaille, chez un menuisier de la Médina pour apprendre le métier qu’il enseigne à de jeunes marocains tout en leur donnant une instruction de base et des cours de français.

À cette époque, mon père responsable des services techniques à la Compagnie Fasi d’électricité organise des cours du soir pour les ouvriers marocains de la société ; il assure dans les locaux de la « Fasi » les cours d’électricité et en alternance l’équipe du Père Paulin donne des cours de français. Ces cours ont « dépanné » beaucoup d’ouvriers volontaires.

La chapelle Saint-Michel, dont le silence n’est troublé que par le murmure de la fontaine, apporte aux abords et jusqu’au cœur de la grande cité musulmane la présence chrétienne jusqu’en 1957. Ensuite, toute l’activité paroissiale va se concentrer sur la Ville-Nouvelle où réside la majorité des catholiques.

Sur la Chapelle Saint-Michel et le R.P. Fabre lire Le Père Michel Fabre et Les aumôniers militaires et la Chapelle Saint Michel

Chapelle Saint-Michel. Noêl 1925. À gauche, la crèche de Noël

Paroisse Saint-François-d’Assise

Alors que la ville nouvelle de Fès n’existait absolument pas, le R.P. Dominique Bouchery, prévoyant son développement futur, écrivait dès juillet 1914 au général Gouraud pour que l’on envisage un terrain pour une église. Le plan d’urbanisation de la ville de Fez réserve une place à l’église, mais également un terrain pour le temple protestant et une église orthodoxe. Un arrêté résidentiel du 14 janvier 1918 a fixé  l’emplacement de l’église sur le terrain actuel, à égale distance des camps militaires et de l’agglomération Mellah-Fès-Jdid où habitaient alors les Européens qui ne vivaient pas en médina.

La construction de cette église dédiée à Saint-François d’Assise débute dès 1919, sous la direction du Père Jean- Marie Feron, arrivé à Fès le 9 juin 1919. C’est lui qui donne la première impulsion à cette paroisse en création où il restera 9 ans. Elle a été ouverte au culte le 1er octobre 1921, après qu’un accord soit intervenu entre les deux titulaires des églises fassies, le Père Théophile Lamperti, curé de Saint-Michel et le Père Jean-Marie Feron, pour établir la division officielle en deux paroisses bien délimitées.

Cette première église, plutôt trapue, accolée à l’ouest de l’église actuelle ne faisait qu’un bloc avec le presbytère.

Première église Saint-François d’Assise avec le presbytère, vers 1925. Entrée de l’église, rue du commandant Fellert, qui deviendra rue de l’Église suite à une demande de Henri Bressolette, pour éviter la confusion avec le Camp Fellert situé à l’Atlas, près du parc de Chambrun.(M. Bressolette habitait 14 rue de l’Église)

Pendant quelques années, la nouvelle paroisse enregistre  quelques mariages et une dizaine de baptêmes par mois ; mais avec le démarrage de la ville nouvelle en 1928, elle ne tarde pas à prendre de l’importance. Le premier édifice devient vite trop étroit, et en 1928 la construction de deux nefs latérales double pratiquement la superficie de l’église.

Église Saint-François d’Assise vers 1930, après la construction des nefs latérales. L’entrée est inchangée.

Cela allait suffire quelque temps mais au début des années 1930, le Père Bousquet, successeur du Père Feron, entreprend un agrandissement ou plutôt une construction nouvelle, triple de la première église, qui  s’effectue sur les plans de M. Toulon, architecte. Le 19 décembre 1933, a eu lieu la consécration et l’inauguration de l’église Saint François d’Assise. L’ancienne église servit alors de salle paroissiale, où l’on donnait des séances théâtrales ou de cinéma.

La nouvelle église en 1934. Angle avenue Maurial/ rue Fellert. Cliché à partir d’une plaque de verre

La nouvelle église, vue de l’angle rue Fellert/rue Jeanne d’Arc.

Le nouveau sanctuaire a cette particularité d’être aussi large que long ; il est éclairé par de grandes fenêtres aux verres sans couleur et au ras de la voûte, par une couronne de vitres, permettant une grande luminosité

Façade de l’église Saint-François d’Assise, sur l’avenue Maurial.

Vaste et aéré, le nouvel édifice est embelli intérieurement : en 1933, Mme Pagnon, femme du célèbre colon de Meknès, offre le maître-autel en pierre de Sefrou, en souvenir d’un enfant qu’elle avait perdu.

En 1941, Mme Loriny-Delarozière réalise le chemin de croix dû à la générosité de M. et Mme Mouriau. La même artiste, exécute, plus tard, sur le mur plat et nu du fond de l’église une très belle fresque représentant les divers épisodes de la vie de Saint-François d‘Assise. Elle décore ensuite les absides des deux bas-côtés de très jolies fresques dédiées à Saint-Joseph et à la Sainte-Vierge qui furent achevées vers 1951. Le visage de la vierge est celui Charlotte Secret, femme du Dr Secret, médecin-chef de l’hôpital Cocard.

Maître-autel avec la fresque représentant les divers épisodes de la vie de Saint-François d’Assise.

Fresques des chapelles latérales : à gauche chapelle de la Sainte-Vierge ; à droite Chapelle Saint-Joseph

Le climat de Fès et l’orientation des murs vers l’Est, ont permis une conservation de ces fresques presque parfaite malgré quelques taches d’humidité ces dernières années.

(Simone Loriny était arrivée à  Fès à l’automne 1937, comme boursière de la Casa Velasquez, délocalisée au Maroc pendant la guerre civile espagnole et la destruction de ses locaux à Madrid. Lorsqu’à l’été 1939, les boursiers de la Casa Velasquez quittent Fès pour retourner à Madrid, Simone Loriny reste à Fès, comme son futur mari Jean Delarozière, nommé architecte de la ville).

Une très belle statue du patron Saint-François, œuvre du sculpteur fassi Roulleaux, accueille à l’entrée du chœur. Grâce à la générosité des paroissiens, un grand orgue est installé en 1950 pour donner plus de solennité aux cérémonies religieuses.

Statue de Saint-François, à droite du maître-autel

À son tour, le nouvel édifice qui paraissait trop spacieux au début devient trop étroit avec le développement de la ville nouvelle : en 1951, il faut créer un nouveau lieu de culte, Saint-Jean-François-Régis, à l’Atlas. Mais ce n’est pas encore suffisant et l’on pense déjà à la création d’une nouvelle paroisse à l’ouest, car aux grandes fêtes, nombreux sont les fidèles qui ne peuvent trouver place à l’intérieur de Saint-François. Projet qui n’aura pas de suite compte tenu du départ de nombreux catholiques après l’indépendance du Maroc.

« Sur les 12 000 chrétiens que compte la ville de Fès, 10 000 environ acquittent le denier du culte ; 3 000 assistent régulièrement aux six messes du dimanche. Ce qui est impressionnant, c’est la montée des enfants avec chaque nouvelle année : en 1951, 1 360 enfants (sur 1 700 d’âge scolaire) ont fréquenté les cours de catéchisme et ce début de saison enregistre 80 inscriptions nouvelles par rapport à l’année précédente ». (Maroc-Monde)

Tous les mouvements d’Action catholique et de jeunesse se développent ainsi que les œuvres charitables (Saint Vincent de Paul). Une bibliothèque paroissiale est également disponible

Aussi le Curé doyen, le R. P. Étienne n’a-t-il pas trop de trois vicaires pour faire face aux multiples activités d’une paroisse en plein essor démographique et en pleine poussée de foi.

« Il est beau d ‘entendre chaque matin et surtout le dimanche aux messes matinales un groupe fervent ou toute une foule prendre une part active à la messe dialoguée. Chaque soir, des messieurs dirigent le rosaire récité aux intentions de la communauté chrétienne. Chaque mois, la récollection paroissiale groupe jusqu’à minuit passé les fervents du cœur de Jésus et les nombreux fidèles à la recherche d’un aliment spirituel. Et quelle splendeur dans les fêtes solennelles ! L’autel somptueusement décoré, les officiants en vêtements d’une richesse de teintes toujours fraîches, une vingtaine d’enfants de chœur candides et hiératiques, l’assistance en fête recueillie tandis que les magnifiques chants de la chorale résonnent sous les hautes voûtes en fer à cheval : c’est alors que l’église Saint-François, dans sa blancheur immaculée et la sobriété de ses lignes, rayonne de ferveur dans une atmosphère de clarté. » (Maroc-Monde)

Mariés (inconnus pour moi !) et leur haie d’honneur sur les marches de la sortie principale de l’église Saint-François, côté avenue Maurial. Cliché – lui aussi anonyme – du 6 janvier 1941 (date au dos peut-être erronée car le 6 est un dimanche, jour en principe àù il n’y avait pas de mariage).

Paroisse Saint Jean-François Régis

Depuis plusieurs années se faisait sentir la nécessité de décongestionner l’unique église de la ville nouvelle et de rapprocher le lieu de culte des fidèles. C’est pourquoi, en février 1950, un beau terrain de près d’un hectare, parcelle de l’ancien lot Arouas, admirablement placé au carrefour de la route de Sefrou et de celle d’Aïn Chkeff, et face à la rue d’Anjou, où s’ouvrira le porche de la future église, est acheté en grande partie grâce à un don de M. de Montgolfier, colon à El Ouata et comme le bienfaiteur était originaire de l’Ardèche, le choix du patron de la nouvelle paroisse fut Saint-Jean-François-Régis, grand saint de l’Ardèche.

Le Père Emmanuel Ruiz, vicaire à St François d’Assise depuis 1948, était par ses origines le plus apte à devenir curé de cette paroisse qui drainait à cette époque environ 5 000 habitants venant de tout le bassin méditerranéen ; il a réussi à créer une communauté paroissiale dynamique avec les fidèles du quartier de l’Atlas mais encore de tous les lotissements voisins : lots vivriers, quartiers de Sidi Brahim, de Montfleuri, lots de colonisation du Saïs. 

Grâce  à l’activité de l’entrepreneur M. Soulier (qui pouvait à l’occasion tenir l’harmonium lors des cérémonies !), de M. Vargas, le chef de chantier et de M.Milleret responsable de la charpente métallique, la construction commencée en août 1950 est rapidement menée ; la pierre provient des carrières Borde à Ben Souda et de l’entreprise Vaison. L’architecte est Georges Meyer.

 Avant la construction de l’église proprement dite c’est d’abord la salle paroissiale, de grandes dimensions (25 mètres de long sur 15 de large) qui est érigée et qui servira de chapelle provisoire. Il est également prévue la construction d’une salle de catéchisme, d’une bibliothèque et d’un presbytère pour le Père Emmanuel.

« Des équipes de jeunes de la J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Catholique), en retrait sur le vaste terrain, sous la direction d’un prêtre et aidés de manœuvres plus robustes, charrient le sable, les tôles, les piquets qui vont servir aux baraquements provisoires des terrains de sport et de jeux des groupements de jeunesse. On édifiera même une petite piscine alimentée par la séguia qui va être mise sous tube ». (Courrier du Maroc du 8 septembre 1950)

En ce qui concerne l’église elle-même, destinée à abriter 1000 personnes assises, elle sera construite par la suite en équerre par rapport à la salle qui sort de terre, et dans une direction parallèle à la route de Sefrou ; contiguë à cette salle paroissiale, il suffira d’en faire tomber le mur de séparation pour son agrandissement. Sa façade sera exactement en face de l’extrémité de la rue d’Anjou.

Un magnifique Chemin de Croix en bois sculpté, œuvre réalisée en 3 mois de travail ininterrompu par  R.P. Hubert Mazot, ancien élève des Beaux-Arts, décore les murs. « Ce Chemin de Croix, sculpté en plein bois, aux panneaux de modeste dimension, rectangulaires, vaut surtout par l’inspiration de la composition dans une « mise en page » très simple et bien centrée sur deux personnages principaux que par le talent d’exécution. Sur cette matière noble mais dure, l’acajou, l’artiste a buriné en traits droits et arêtes anguleuses, ses personnages dans une stylisation qui paraît naïve mais évoque de façon émouvante l’art médiéval dépouillé et sobre dans sa transition du roman au primitif. Certaines de ces figures : le Christ descendu du gibet, et dans les bras de la mère ainsi que la 5ème station dégagent une véritable émotion ». (Courrier du Maroc du 18 juin 1951) (La 5ème station : Simon le Cyrénéen aide Jésus à porter sa croix).

Ces travaux furent exécutés intégralement avec le produit des kermesses et fêtes paroissiales et grâce à la générosité de tous les catholiques de Fès qui ont retrouvé la foi des aïeux bâtisseurs de cathédrales .

Église Saint-François-Régis

Depuis le 1e octobre  1950 le R. P. Emmanuel célèbrait la messe quotidienne mais la chapelle « provisoire » de l’Atlas est inaugurée officiellement le dimanche 3 décembre 1950  avec à l’issue de la messe une grande kermesse regroupant les catholiques de l’Atlas, des lots vivriers, du camp Fellert, de Montfleuri et du Saïs. Monseigneur Peurois, accompagné des R.P. Etienne Saliot et Laurent, préside au baptême de la cloche, dont les parrain et marraine sont M. et Mme de Montgolfier.

Le Père Emmanuel devant la statue de Saint-François-Régis

Une véritable cité est en train de s’édifier à Saint Régis : locaux d’œuvres, salles de sports, salles de douches, en même temps que s’amorce un stade destiné au Sporting-Club Fassi. 300 enfants fréquentent déjà le catéchisme, les cours commencent dans un petit local : le garage personnel de Mme Gaillard qui participe à de nombreuses activités  paroissiales (ouvroir, sacristie, bibliothèque) tant à St François qu’à St Régis.

La Cité Saint-Régis : Église et bâtiments annexes

La paroisse persiste jusqu’en 1966, les bâtiments sont vendus puis détruits, mais les esprits restent certainement marqués par ce lien harmonieux unissant finalement cette communauté qui pouvait paraître atypique comparée à celle fréquentant St François d’Assise.

Depuis 1966, la vie paroissiale fassie est cantonnée à l’église Saint-François d’Assise, actuellement desservie par le R.P. Mattéo ; le noyau de fidèles a diminué et s’organise autour de jeunes étudiants originaires des pays sub-sahariens. Les activités religieuses se poursuivent : messes animées par une formidable chorale, réunions de prière ou d’étude, œuvre de charité auprès des migrants, contacts avec les autres religions … et accueil des anciens de Fès !

Église Saint-Francois d’Assise. Septembre 2023